L’anneau d’or

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Les dernières étoiles s’estompent dans le ciel encore sombre. Quelques nappes de brumes s’étirent au-dessus du potager. Les oiseaux bavardent et picorent ce brouillard vaporeux jusqu’à le faire disparaître complètement. C’est alors que le coq fait retentir son coqueriquement. Une pointe de jour attire mon regard derrière le noyer et me fait un signe discret. Je sors dans le jardin. Le ciel orangé pâlit imperceptiblement. La lune se devine à peine. La huppe, au long bec et au petit corps fuselé, arrive au beau milieu du champ. Elle sautille, mangeotte et discute, comme à son habitude, quand tout-à-coup elle se fige au pied du noyer.

Je pressens bizarrement qu’une chose insolite va se passer et devient de plus en plus attentive aux sons et aux saveurs de cette aube naissante.

Subitement la huppe lance un cri d’alarme, sourd et grave.

Elle répète ce grognement affolant, une fois, deux fois, trois fois, alertant d’un danger imminent. Le bavardage des oiseaux change brusquement de nature et se mue en angoisse, effroi et frayeur collective. Le « poup’ RROU OU » de la tourterelle, le « tsit tsit triiiii » de la mésange bleue, le « uit tec tec » sec du rouge-gorge s’entremêlent pendant quelques secondes dans une cacophonie confuse. D’un battement d’aile, chacun fuit et regagne son gîte ; le jardin devient étrangement silencieux. La huppe s’envole et disparaît, elle aussi.

Je reste là, plantée, palpant une nervosité monter depuis l’horizon, là où la lumière annonce le lever du disque solaire. Je perçois la présence invisible des oiseaux dans l’air électrisé. Je ressens cette angoisse confuse, étrange, contagieuse, prémonition de fin du monde. Tout semble figé dans l’attente d’un événement inéluctable.

J’entends mon cœur s’emballer. C’est lourd. Il faut que quelque chose éclate. C’est alors que se produit une rencontre inoubliable dans l’univers.

Tout s’assombrit.

La lune éclipse le soleil.

Yeux hypnotisés par cet anneau d’or irradiant,

chacun retient son souffle, suspendu, distordu dans cet air chargé.

Je me sens en osmose avec l’univers dans ce moment fugace.

La huppe revient, le ciel retrouve ses couleurs, le jardin reprend vie.

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Brigitte DANIEL ALLEGRO – Castelnau d’Estrétefonds, le 17 juillet 2021

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